FEVRIER 2009, PERU MATCHU PITCHU. Un dernier effort pour achever son ascension et la voilà enfin arrivée à destination. Elle se retourne les cheveux au vent pour observer la vue imprenable. Le voyage a été long et mouvementé, mais elle ne regrette rien. La liberté, ce sentiment au fond de son cœur qui la libère de tout au sommet de cet édifice historique est la plus belle des richesses. Elle brandit son appareil photo devant son regard perçant d'aventurière et prend quelques clichés avant qu'un gémissement provenant de derrière elle, ne la fasse se retourner. Une main sur le sol et un râle prononcé la font doucement pouffer de rire. Elle s'approche du bord du grand escalier en rangeant son appareil dans son sac. Au pied du dernier étage de l’ascension, un jeu homme semble vouloir du mal reprendre son souffle. Lys jette un regard derrière elle et constate vite que c’est bel et bien le dernier aventurier de la journée. « Besoin d’un coup de main ? lance-t-elle avec un demi-sourire fiché au coin de ses lèvres. » Le jeune homme relève la tête et ses yeux azures à la profondeur déconcertante se fichent dans le regard de la globetrotteuse. « Ça ne serait pas de refus, dit-il à bout de souffle. » Lys passe sa main le long de l’avant-bras du jeune homme pour le saisir et l’aide, de son poids plume, à se hisser jusqu’en haut. Ce dernier s’écroule contre un pilier et sort sa gourde d’eau pour boire à grandes goulées le liquide. Lys vient se poser tout près de lui pas un poil fatiguée. Elle observe un instant le paysage avant de reporter son attention sur le jeune homme en nage. « Première fois, hein ? » Il tourne son regard azure sur elle, un sourire gêné sur ses fines lèvres rosées. « Ça se voit tant que ça ? » Lys penche la tête sur le côté et l'observe silencieusement avant de hausser les épaules. « Entre les gouttes de sueur qui perlent sur ton visage, tes cheveux plaqués par la transpiration et les traînées humides de ton t-shirt... non pas tant que ça, lance-t-elle dans un rire cristallin. » Il se joint à elle en rejetant sa tête contre le pilier qui lui sert d'appui. « Tu dois me trouver minable... » « Non, impressionnant serait le mot. Tout le monde ne peut pas se permettre cette ascension d'une traite. » Elle lui offre un sourire compatissant et lui propose une serviette qu'elle vient de sortir de son sac. « Et toi ? C'est quoi ton secret ? Tu es surhumaine ou juste... mannequin ? » La jeune fille au doux prénom floral hausse un sourcil en tentant, tant bien que mal, de comprendre le rapport avec un mannequin et doit poser un regard sur son t-shirt sec pour comprendre. « Mannequin ? Oh non pas ça j'opterai juste pour surhumaine avec le pouvoir de l'anti transpiration. » Ils se sourient avant de rire à l'unisson. Après s'être calmée, Lys se relève en hissant son sac à dos avec aisance sur son épaule. « Aller viens, sinon tu vas tout rater et je doute que ce soit ce que tu veuilles après cette dure épreuve qu'a été la montée. » Il saisit sa main tendue et se remet sur ses pieds, puis ils commencent à marcher l'un à côté de l'autre en admirant, presque, que la vue. « Et tu fais ça depuis longtemps ? la questionne-t-il après quelques paroles échangées. » Prenant quelques clichés, Lys prend le temps de mimer la réflexion. « Si longtemps ? fait-il surpris. » « En fait j'ai été conçue en voyage et je suis née durant un voyage, donc on va dire depuis toujours. Mes parents étaient des globetrotteurs avant même que je naisse. » Elle lui sourit comme elle le fait à peu de personnes, comme si ce jeune homme lui était familier. « Au fait moi c'est ... Robin... » « Robin ? Comme Batman et Robin ? » « Euh... ouais... » Elle le regarde passer une main sur sa nuque, le trouvant adorable avec ses pommettes teintées de rose. « Tes parents doivent avoir le sens de l'humour. » « Surement. » « Moi c'est Lys-Ambre, mais appelle moi Lys ça sera plus simple. Et ce bel homme c'est mon père, Richard. » Elle s'accroche aux épaules d'un homme d'âge mûr aux joues quelque peu creusées par de nombreux sourires ancrés sur son visage. Ils partagent ce même sourire chaleureux et tendre, relevant leurs pommettes à l'identique.

JUILLET 2009, BRÉSIL RIO DE JANEIRO. Objectif braqué sur elle, Lys tente de se dissimuler derrière les mèches brunes de sa chevelure. « Arrête Robin ! » Elle proteste en riant et repousse l'appareil pointé sur elle. Elle s'élance de quelques pas plus loin de son ami qui la rattrape avec deux enjambées. Il passe un bras autour de ses épaules afin de mieux l'attirer à lui. « Aujourd'hui nous sommes en compagnie de la ravissante Lys, dans un quartier des favelas de Rio de Janeiro les amis. Mon charmant guide ici présent, n'est pas une inconnue des lieux vu qu'elle se déplace ici comme si c'était chez elle. Alors, dis-moi Lys que nous réserves-tu aujourd'hui ? » Il rebraque la caméra sur la demoiselle qui s'échappe de son étreinte forcée. Elle se met à courir sans raison le sourire aux lèvres. Elle ne sait réellement pourquoi elle s'est mise à courir mis la sensation du vent sur son visage, l'excitation parcourant ses veines d'être poursuivie par son ami, l'emplie d'une sensation particulière. Elle entend Robin râlait de ne pas courir si vite, mais ne s'en préoccupe pas. Elle connait ces rues comme si elle y avait grandi. Les habitants, les maisons, les couleurs, la sensation du soleil qui réchauffe sa peau, tout lui est familier. Elle sait qu'en tournant à droite elle retrouvera son père, mais en tournant à gauche elle retrouvera Flavio le petit garçon que son père à soigner il y a quelques années. Elle se demande à quel point il a grandi durant ces années. La curiosité l'emporte sur le reste et ses pieds glissent sur le sol, mais une voix à un fort accent portugais l'a fait stopper. « Lys ! » Elle se retourne en souriant. Elle réceptionne in extremis un garçonnet presque aussi grand qu'elle. « Flavio ! » Elle commence alors à lui parler en portugais plus que correct, alors que des pas lourds se font entendre derrière eux. « Ça t'arrive souvent de vouloir semer les personnes dans des lieux inconnus. » Elle se redresse avec un sourire amusé aux lèvres. Elle ébouriffe les cheveux du jeune garçon avant de s'avancer vers son ami qui brandit de nouveau la caméra sur son sujet de reportage favoris. « Mes amis nous avons retrouvé le lapin blanc du nom de Lys et nous ne la lâcherons plus. » « Pour te répondre je sème tous ceux qui me portent un peu trop attention et encore plus ceux qui ont une caméra ! » Elle lui tire la langue et lui prend sa caméra pour le filmer à son tour. « Alors, monsieur la flèche ça fait quoi d'être le gibier maintenant ? » « Rends-la moi Lys ! » Il se met à courir après elle pour récupérer son précieux objet technologique. Il la saisit par la taille et l'emprisonne dans ses bras. Le contact des mains de Robin sur ses hanches fait frissonner doucement Lys, dont le cœur s'élance au galop sans de réelles raisons. Elle est comme envoûtée par cette douce chaleur qui émane des mains de son ami et de cette caresse de son souffle dans son cou. Cet instant frivole, léger, leur appartient et c'est dans ce genre de moment que Lys se sent vivante, heureuse et pleine de ce sentiment de plénitude qui la fait quitter la terre ferme, transporter comme sur un nuage. Robin dépose un doux baiser sur sa tempe alors que ses doigts glissent sur le long des mains de Lys. Doucement, lentement. Comme pour faire durer encore un instant ce sentiment que Lys espère partager avec lui. Cette sensation d'être libre. Plus libre dans ses bras que n'importe où autre ailleurs. « Ceci m'appartient, souffle-t-il à son oreille en se saisissant doucement de la caméra pour la passer autour de son cou. » Elle tourne délicatement la tête pour le regarder et lui tire la langue le regard rieur. Ils ne se lâchent pas pour autant, les mains de Lys se sont posées sur celle de Robin qui encerclent sa taille. « Les enfants, vous en faites du bruit ! Venez plutôt m'aider, lance Richard en sortant d'une favela. » Le moment de légèreté de ces deux êtres insouciants pourrait prendre fin, mais leurs mains se retrouvent et leurs doigts s'entrelacent pour prolonger l'instant encore un petit moment, juste un peu plus longtemps pour que leur cœur imprègne ce nouveau sentiment en son sein.

AOÛT 2013, GROTTE DANS DÉSERT DE L'ARIZONA. Le vent frais du désert, le bruit de la vie nocturne pour seuls témoins de ces larmes perlant sur son visage. Couverture d'air venteux autour de ses épaules, Lys frémit par froid et par peur. Cette même peur qui a dévoré durant tellement d'année son coeur en regardant sa mère lui sourire et lui dire que tout irait bien. Ses tripes souhaitent hurler au mensonge et Lys sait à quel point le mensonge est un poison néfaste. Le monde est cruel avec elle depuis des années et il ne s'arrêtera pas. Sa chère amie la vie réserve des tourments plus terribles à cette douce fleur mourant à petit feu au sein du désert. La vie, la maladie, la mort, la peur, le tourment, voilà de quoi est fait ce monde si cruel. Sanglots étouffés pour seule mélodie de cette nuit, Lys tente de se reprendre pour que personne ne découvre ce monstrueux secret qui la ronge de l'intérieur comme un vers affamé éternellement. « Lys ? » Une main portée à son visage et de son revers la douce fleur efface sa fragilité. « Robin... » Sa voix est mal assurée qu'elle se recroqueville sur elle-même pour ne pas se faire découvrir. « Tu ne devrais pas dormir, il est encore tôt... » « Et toi alors ? » Il dépose délicatement un tissu douçâtre sur les frêles épaules de la jolie fleur. « Papa avez besoin de boire et je n'ai pas réussi à me rendormir... La nuit est belle de toute manière. » Elle le sent, ce regard perçant que Robin a quand il la regarde. Elle devine malgré la pénombre environnante ses yeux bleus pensifs, cet air sérieux dissimulant une part de ce mystère qu'elle n'a réussi à percer. Comme un nouveau paysage, Robin est pour Lys inconnu, nouveau, déclenchant une excitation de découverte plus présente qu'il ne faudrait. « Lys... » « Tais-toi ! » Elle est sèche, dure, trop brusque dans ses paroles, mais sa précipitation trahie trop aisément sa peine. « Il est temps maintenant Lys. » Elle relève la tête en émettant une complainte déchirante. « Non... » Ses larmes brillent légèrement sous les rayons de la pleine lune, illuminant son visage d'une aura presque mystique. La main de Robin trouve sa joue avec douceur et tendresse. Son pouce essuie les perles d'eau salée de ses joues dans d'infimes caresses. Son corps émanant une chaleur réconfortant se rapproche de son corps frêle et gelé. « Si Lys... Il est temps... » Ses bras se referment sur elle comme on ferme la porte d'un foyer. Il respire la chaleur, la tendresse, la sécurité. Il est ce qu'elle a le plus besoin en plus de son père. Partir. Ce seul mot lui donne la nausée. Elle martèle le torse du jeune homme de faibles coups de poings, tout en laissant échapper de nouveau, cette complainte déchirante. Robin lui caresse tendrement sa chevelure en lui murmurant des paroles qu'elle refuse d'assimiler. « Ce n'est que pour un moment... le temps qu'il se repose... » Se reposer, ce terme est si ambivalent et surtout terriblement effrayant pour la jeune femme qui frémit de terreur malgré elle. « On se retrouvera et ça sera comme maintenant. Je te le promets... » Ses mots se meurent dans un baiser qu'il dépose contre sa tempe. La nuit lui paraît plus hostile et froide qu'avant. Le monde est encore plus sauvage hors de cette étreinte. Lys le sait, quitter ses bras, sa tendresse, se résoudre à ne plus croiser ce regard pensif, c'est peut-être les abandonner pour... toujours. Toujours une période de temps trop longue. Un dernier baiser sur son front et Robin la relève en la gardant contre elle. Comme une marionnette elle se laisse manipuler par Robin, par le monde, par la vie.

FEVRIER 2014, CALIFORNIE OAK CREEK. Vide. Tout est vide. Parti. Envolé. Disparu. Mort. Devant elle, dans un trou, à l'intérieur d'un cercueil son père repose. Reposer, elle en déteste les sons, le sens, elle déteste ce mot. Cette boîte en bois d'un marron cireux lui donne des envies de pyromanie. Elle songe alors au briquet que son père à confier à Nash avant qu'ils ne prennent l'avion et les larmes la submergent de nouveau. Sa vision déjà peu nette ne s'améliore pas sous ce nouveau flot de larmes. Son corps tremble de toute sa petite hauteur et le si peu de force qu'il a pour la maintenir debout s'évapore. Lys se repose de tout son poids sur la jolie rousse à sa droite. Celle-ci glisse sa main dans celle de Lys en la pressant avec tendresse. L'homme vêtu de noir se tenant devant le trou fait dans la terre lui fait signe d'avancer. Lys ne sent pas la force, mais c'est ce qu'il faut et elle le sait. « Reposes toi sur nous Lys, on sera là pour toi. » Une seconde main glisse dans la sienne et Lys peut comprendre les paroles de Leigh. Elle pose sa tête contre l'épaule de Leigh en resserrant sa prise sur sa main. Ses pieds se posent maladroitement sur la pelouse du cimetière. Elle ne voit pas plus loin que le bout de son nez et ses jambes ne portent pratiquement plus le poids de son corps. On la conduit devant la... tombe. Ce mot reste en travers de sa gorge et elle reste immobile à fixer le caisson en bois. On lui parle, mais elle n'entend rien, elle ne peut juste voir cette boite qui renferme son père. On lui propose un tas de terre, mais son attention ne se détourne pas de la tombe. Leigh conduit sa main dans le tas et l'aide pour ce geste solennel que Lys ne peut faire par elle-même. On parle, mais tout ce que la belle peut entendre c'est ce même bourdonnement qu'elle entend depuis que les mots « On a fait notre possible, mais... » l'ont frappé en plein fouet. « Lys... Tu veux dire quelque chose ? » Les grands yeux chocolat de Leigh rencontrent les siens avec compatissance. Lys laisse tomber sa tête tel un ressort usé pour accepter la requête. On la conduit presque en la portant jusqu'au pupitre mis en place pour l'occasion. Ses mains s'agrippent au bois du meuble. Ses yeux fixent cette matière qu'elle a maintenant en horreur, puis se relèvent sur le petit comité présent. Elle n'en connait même pas la moitié. Son regard cherche, scrute pour finir par se brouiller encore. Son corps se contracte sous le poids des sanglots, l'envie de se recroqueviller la saisit au fond de ses tripes et elle ne sait plus comment gérer tout ça. Absent. Manquant. Trop loin. La personne qu'elle espérait tellement avoir près d'elle n'était pas là. C'était de sa faute, l'admettre à Robin c'était rendre la chose réelle pour de bon. Son absence fait le vide en elle et la fait s'effondrer sous la pitié des personnes présentes. On la relève, la raccompagne à la maison, la laisse seule devant la coiffeuse dans sa chambre. Son nouveau chez elle. Adieu le monde, bonjour Oak Creek, murmure une petite voix narquoise dans sa tête. Le reflet de cette fille que Lys ne connait pas l'effraie. Cette fille dans le miroir n'a rien d'une enfant, c'est une adulte détruite au visage creusé par la peine et la souffrance. Son regard éteint n'a pas un seul éclat de vie. Rien chez cette jeune femme ne lui évoque sa personne. Lys ne la connait pas, elle, cette fleur fanée au visage couvert de coulée de mascara. Pourtant, elle et Lys ont des points en commun comme leur pendentif unique. Unique et c'est pour dire. Il n'existe qu'une seule perle comme celle retenue dans la spirale argenté du bijou. Leurs mains montent à l'unisson vers ce collier et leur doigt effleure la même surface pâle et fraîche de la perle. Le collier semble pour Lys encore plus lourd qu'il ne l'est et l'a fait plier en deux. Un haut de coeur puis un second soulèvent son estomac. Ses mains agrippent la surface de la coiffeuse, puis rencontre quelque chose de plus frais de plus froid. Ses yeux remontent sur la surface lisse de la coiffeuse pour se poser sur une paire argentée de ciseaux. Ses yeux vont et viennent entre les ciseaux et son reflet dans le miroir. Ses mains légèrement tremblantes se saisissent de la paie de ciseaux. Lys se redresse sur son siège afin de bien faire face au miroir. « Ca suffit... » Ce murmure est pour elle le mot de la fin de ce chapitre. Elle porte les ciseaux au niveau de sa mâchoire et tire de son autre main une mèche de sa chevelure ondulée. Les lames se referment sur la mèche et par brin ses cheveux tombent au sol en formant des cercles irréguliers. Les lames suivent rigoureusement l'os de sa mâchoire d'un côté puis de l'autre. Formant un carré maladroit, mais nécessaire pour elle. Ces cheveux qui tombent doucement, lentement sont comme le détachement attendu par la douce fleur. Pour qu'une fleur aille mieux, elle a besoin qu'on enlève les mauvaise herbe, ce trop-plein de boucles brunes est ses mauvaises herbes.

MARS 2014, CALIFORNIE OAK CREEK.  La peine a laissé place au vide, la tristesse à l'indifférence, les larmes se dissimulent derrière un masque souriant. Ce même masque qui la fixe de ces yeux vides dans le miroir. Lys aimerait ne plus avoir à faire ça. Son regarde se tourne sur l'horloge pendue au-dessus de sa porte de chambre. Cinq minutes encore... Cinq interminables minutes qui ne pourraient ne pas être si importantes et pourtant. Un son de sonnerie retentit dans la pièce arrachant un soupire à la demoiselle fanée par la douleur. Elle s'installe sur sa chaise de bureau et fixe l'écran. Sa main posée sur la souris de l'ordinateur ne bouge pas. Il lui suffit d'un clic pour voir son visage, l'entendre rire et surtout le voir sourire. Ce sourire auquel elle ne peut plus répondre sincèrement. Le son cesse. Le temps passe. La trotteuse de l'horloge ne s'arrête pas, elle émet ce cliquetis sourd. La sonnerie de l'appel vidéo retentit de nouveau, mais tout ce que Lys voit c'est son reflet dans le noir de l'écran. Ses joues sont moins creusées, mais ses yeux toujours cernés de cette couleur violacée. Il va lui demander si elle dort bien, si elle va bien, elle le sait, mais ne veut pas y répondre. Elle changera de conversation comme depuis des jours déjà. Elle fixe l'écran sans vraiment y prêter attention. La sonnerie s'arrête pour se renouveler. « Tu ne réponds pas ? » La tête de Leigh dépasse de l'encadrement de la porte. Elle a ce sourire bienveillant qui fait du bien à Lys. Leigh lui ressemble tellement pour elle. A sa mère. Le même sourire, ce même air généreux dans le regard et pourtant une mystérieuse tristesse au fond de ses yeux. Leigh s'avance un torchon à la main pour essuyer une assiette. Le torchon a connu des jours meilleurs comme Lys. Elle se sent comme lui troué, tâché, râpé jusqu'à la corne. Leigh passe derrière elle et fixe l'écran. « Oh le célèbre Robin ! » Un sourire passe telle une ombre sur le visage de Lys. Leigh se penche et dépose un baiser sur la joue de Lys. « Tu as le droit d'être triste. Je doute qu'il te juge pour cela. » « Ce n'est pas ça... » Leigh se relève et vient s'assoir sur son lit. Lys tourne le siège pour lui faire face. « Je ne veux pas l'être devant lui, car... il vit ce que je vis... enfin... » « Lys, il y a autre chose n'est-ce pas ? » Lys hoche la tête tristement. Elle soupire en rejetant sa tête en arrière puis fait tourner son siège sur place d'un coup de pied au sol. « Le voir me fait penser à mon père... Il veut que je le retrouve en Afrique, mais je ne peux pas... Je ne peux plus voyager... » « Sans ton père, hein ? » Le fauteuil s'arrête dos à Leigh, recroquevillée dessus une fleur fanant un peu plus. « Lys tu devrais être honnête avec lui. Pas seulement l'ignorer et retarder ce qui arrivera surement un jour. » Leigh s'est relevée et dépose un baiser sur le sommet de la tête fleurie, puis la laisse seule de nouveau, face à l'écran. Genoux contre sa poitrine sa main guide la souris vers l'icon du téléphone vert. Elle inspire profondément, se redresse, puis clique. Son sourire est faux, mais elle sait qu'elle doit faire impression. L'image de Robin se pixélise sur l'écran et sa voix lointaine résonne dans les enceintes. « Hey belle fleur ! » « Salut la flèche ! » Son sourire se change malgré la douleur qui se réveille en son sein, il devient plus vrai plus tendre. L'image de Robin se penche en avant et observe quelque chose avec attention. « Tu t'es coupé les cheveux ?! » Son air est si interloqué presque... déçu. « Ah... ouais, il fait un peu chaud ici. Et puis j'en avais marre de les attacher. Tu n'aimes pas ? » Son coeur se sert sous sa question. Lys éprouve ce qui ressemble à de la panique, et peut-être du regret, alors que ses doigts effleurent les courtes mèches ondulées. « Non, enfin j'aime bien ça te change. Enfin j'aimais aussi tes cheveux avant... » Sa voix se meurt et le coeur de Lys y découvre tout l'impact douloureux de son geste. Ses yeux s'abaissent sur ses mains croisées sur ses genoux. « Hey ! Tu es belle ! Tu es toujours belle de toute manière. » Il rit nerveusement en passant la main sur sa nuque. Lys sourit, aimant toujours ce geste chez lui. « T'as intérêt à me trouver belle sinon gares à tes fesses le super héros ! » « Ah ouais ? Et qu'est-ce que va me faire une si jolie fleur ? » « Ca ! » Elle clique sur le téléphone rouge après avoir tiré la langue à la caméra. La réaction à son geste ne fait pas tarder et la sonnerie retentit. Elle accepte de nouveau la conversation un sourire amusé sur les lèvres. « Refais jamais ça ! » Il a cet air de chaton furieux ce qui sert le coeur de Lys, soudainement prise d'en envie d'effleurer l'image sur l'écran. « Tu me manques... » Ses mots s'échappent comme des papillons sauvages d'entre ses lèvres et le regard azure de robin s'adoucit. « Toi aussi. Encore quelques jours et je viens te chercher. » « Me chercher ? » « Oui on repartira pour la Nouvelle Zélande quand j'aurais fini cette mission ! On pourra aller voir les lieux du tournage du seigneur des anneaux ou du hobbit comme tu voulais... » Ses mots raisonnent encore dans la pièce, mais les oreilles de Lys se sont fermés, son air s'est assombri. Elle réfrène l'envie de serrer sa main contre son coeur douloureux, mais tout chez elle trahie sa peine. « Lys... Lys écoute moi... » Elle relève les yeux difficilement. « Tu as besoin de t'évader... » « Ce que j'ai besoin c'est... oublier... » Le silence s'installe entre eux. Lys déteste ce genre de silence gênant et tendu si habituels depuis quelques temps. « Enfin on verra, on y est pas encore et j'avoue que la maison me manque un peu, mais bien moins que toi ! » Lys essaye de se recomposer, mais le sourire qu'elle lui offre est faux. « Oui. Toi aussi. C'est comment cette mission ? » « Ah et bien vu que tu le demandes. Lys, je te présente Naasir ! » Robin se penche sur le côté et hisse sur ses genoux un petit garçon à la peau foncée. Il n'a pas encore une dizaine d'année et aborde un immense sourire en tapant des mains. Le visage de Lys s'illumine comme autrefois et elle remue une main près de son visage en poussant un petit « Hey ! » Naasir trouve intérêt en l'image de Lys et frappe des mains de plus belle. « Elle est jolie... c'est ta petite amie ? » Le regard garçon se pose alors sur Robin qui émet une sorte de rire nerveux, alors qu'un homme se place derrière lui. D'autres personnes suivent et les joues de Robin se teintent de rose, alors que Lys regarde la scène avec un amusement particulier. « Euh... Comme tu vois tout ce passe, bien... avec très peu d'intimité... » « Tu devrais la demander en mariage. Une jolie fille comme ça c'est rare ! » « Euh j'y penserai... Lys je te rappelle plus tard d'accord ? Là je suis un peu... submergé. » « Oui je vois ça... Et pense à la bague en rentrant ça peut être utile ! » Elle rit maintenant d'un rire incontrôlable en voyant son ami plus rouge que jamais. L'écran fixe encore cette image d'un Robin gêné avant de redevenir noir.

AOÛT 2014, CALIFORNIE OAK CREEK.