« Vous pourrez choisir avec qui vous souhaiterez vivre, » leur avaient-ils dit.
Mais que croyaient-ils donc ? Que la décision était si facile qu'elle pouvait être prise en un simple claquement de doigts ? Ils ne se rendaient pas compte. Non vraiment, ils... Ils ne pensaient qu'à eux. Le divorce avait été une étape compliquée dès le début. Déjà plus d'un an et demi que ça durait et le cauchemar ne paraissait que s'éterniser. Clelie espérait qu'elle n'avait plus que quelques mois à tenir et que la situation serait enfin réglée. Ses parents les avaient tous réunis dans le salon pour que chacun annonçât sa décision. Certainement la dernière réunion de famille qu'ils auraient tous ensemble. Mais Clelie n'était pas du genre à se laisser abattre par ce genre de situation — ou en tout cas, elle ne le montrait pas comme sa sœur jumelle. Cette dernière lui attrapa la main, la serra pour se donner du courage et elles allèrent toutes les deux s'installer sur le canapé. Leurs parents leur faisaient face sans se regarder. Quelle était la dernière fois qu'ils l'avaient vraiment fait ? Clelie n'était même plus certaine de les avoir un jour vu s'aimer et se comporter comme un vrai couple.
Le silence était pesant, chacun se rendait pleinement compte de l'importance de ce moment. Après leur choix, plus rien ne serait comme avant. Leurs parents avaient sans doute voulu les aider et leur faire plaisir, mais Clelie considérait que leur imposer de déterminer une préférence était cruel. Plutôt que de choisir eux-mêmes, ils leur laissaient la lourde tâche et la jeune femme leur en voulait de cette lâcheté.
Et la sentence finit par tomber. Chacun donna son choix et la donne fut vite changée. Clelie n'avait pas encore parlé et tout le monde commençait à s'en aller.
« Attendez, » les appela-t-elle en relevant la tête qu'elle avait gardé baissée depuis de nombreuses minutes. Chacun se retourna vers elle, interloqué.
« Je n'ai pas choisi. » Clelie sentait leur regard perplexe posé sur elle. Elle s'efforça de ne pas jeter un œil dans la direction de sa sœur jumelle. Elle n'imaginait que trop l'air qui y apparaîtrait sur son visage.
« Je... Je suis désolée maman, je ne veux surtout pas que tu m'en veuilles mais j'ai décidé d'aller vivre avec papa. Je... Je crois sincèrement que c'est mieux ainsi. Il n'y a pas d'explication à donner, les choses sont juste ainsi. Vous êtes trop lâches pour décider par vous-même ? Dans ce cas, je suis trop lâche pour me justifier. N'espérez pas que je vais vous rendre les choses plus faciles. Peut-être que les autres ont décidé d'aller dans votre sens mais ça fait un an et demi que vous nous baladez et que vous ne parvenez pas à parler comme deux personnes normales. Maman tu as déjà retrouvé quelqu'un alors tant mieux pour toi. Avec ta nouvelle famille, tu n'as plus besoin de moi alors que papa, comment feras-tu alors que tu ne sais même pas te servir d'une machine à laver ? Ce n'est pas un choix entre vous deux que je fais, parce que là je vous en veux tellement à tous les deux que je pourrais partir sur le champ, mais je pense juste au futur. Ce que vous n'avez pas été capable de faire depuis des mois. » Clelie s'enfuit dans une sortie théâtrale. Elle ne regarda personne et ne se retourna pas lorsqu'elle quitta la pièce. Pas une seule larme ne coula. Elle se contenta juste de claquer la porter et de se rendre chez sa meilleure amie. Juliet était bien la seule qu'elle avait envie de voir.
Des cris venant du salon réveillèrent Clelie. La lumière du jour perçait déjà à travers la fenêtre et la nuit avait depuis bien longtemps tiré sa révérence. Clelie ouvrit lentement les yeux, brillants à cause de la lumière. Finn était étendu à côté d'elle, le poing sur la joue.
« Tu sais que j'ai horreur que tu me regardes dormir ? » Faisant la moue, Clelie rabattit le drap sur son visage. A peine une seconde après, le visage de Finn apparut sous le drap et il vint l'embrasser tendrement. Clelie posa son front sur celui de son petit ami et ferma les yeux.
« Menteuse ! Tu es trop fière pour l'avouer mais tu aimes que je t'admire de cette façon. Je sais que tu fais pareil. » Incapable de retenir un sourire, Clelie ouvrit les yeux et regarda son petit ami. Il n'était qu'à quelques centimètres d'elle et elle sentait son souffle sur son visage.
« Prétentieux ! Même sous la contrainte, je n'avouerai jamais ce genre de chose ! – Ah oui vraiment ? – Hum hum. » Sans prévenir, Finn la coinça dans ses bras et se mit à la chatouiller. Clelie se mit à rire et à se tortiller pour se délivrer. Elle riait tellement que ça en devenait douloureux.
« Ar.. rê... rête. Arrête. Pi... tié. » Ses joues lui faisaient mal, son ventre lui faisait mal. Finn finit par arrêter le calvaire.
« Alors ? » lui demanda-t-il sérieux.
« Dans tes rêves pépère. » Pour l'empêcher de répliquer, elle emprisonna ses lèvres et captura sa langue. Ils savourèrent ce baiser pendant plusieurs minutes avant que Clelie vienne se caler dans le confort des bras de son amoureux.
« Tu es réveillé depuis longtemps ? » Elle avait encore de petits yeux à cause de la fatigue mais elle commençait enfin à se sentir réveillé. Sa séquence de rire y était pour beaucoup.
« Je ne sais pas trop. Une demi-heure peut-être ? Quand la première assiette a été cassée. » Clelie fronça les sourcils.
« La première ? Tom et Jerry n'arrêteront vraiment jamais ! Quelle heure est-il d'ailleurs ? » Clelie se releva et jeta un œil sur le réveil de la table de chevet. Sept heures vingt-deux. Ils étaient bien matinaux aujourd'hui.
« Tom et Jerry hein ? Et qui est Tom, qui est Jerry ? – Ils changent quand ça leur chante. Un jour c'est l'un un jour c'est l'autre. Si tu veux mon avis, ils feraient bien de baiser un bon coup, toute cette tension sexuelle entre eux est bonne à être évacuée. » Finn ne s'offusqua pas du parler un peu cru de sa petite amie. Il avait l'habitude de sa façon d'aller directement droit au but et c'est en partie ce qu'il aimait chez elle. Il savait toujours ce qu'elle pensait.
Finn desserra son étreinte autour de Clelie.
« Non, ne t'en vas pas, » gémit celle-ci. Elle n'était pas romantique pour un sou mais elle aimait profiter de ces instants où ils traînaient tous les deux au lit.
« Je suis désolé mon amour — elle mima une grimace —
mais je dois m'absenter aujourd'hui. » Il s'était déjà redressé, prêt à quitter le lit douillet. Clelie le retint par le bras.
« Encore ? C'est la troisième fois ce mois-ci ! » Clelie fit la moue. Elle en rajoutait toujours pour ne pas lui montrer combien tous ces départs l'attristait autant. Elle savait que c'était pour son travail — du moins, c'était ce qu'il lui avait dit — mais elle n'arrivait pas à s'y faire.
« Je sais et je suis vraiment désolé. Mais tu sais aussi que si j'avais le choix, je préférerais rester à tes côtés. » Le départ fut rapide. Les deux jeunes préféraient ne pas éterniser les choses. Ils ne le montraient peut-être pas ouvertement mais ils s'aimaient vraiment et ce, depuis leur rencontre huit ans auparavant. Ils étaient autant meilleurs amis que petits amis, voire même davantage, mais les départs répétés de Finn venaient entacher leur relation. Ils espéraient juste être assez fort pour y surmonter.