+ story of my life
« Mademoiselle Winthrop-Scott, que plaidez-vous ? » La plaidoirie. Le procès. Ça suffit je n'en peux plus. Je me demande constamment depuis le début comment toute cette histoire va se terminer. J'ai ôté la vie de mon fiancé, c'est une chose avec laquelle je devrais constamment vivre. Jusqu'à la fin de ma vie. Certains soirs, je n'arrive pas à dormir parce que j'ai peur.
« Ma cliente plaide la légitime défense votre honneur. » Avais-je le choix ? Réellement ? Non, je ne pense pas. Parce que je l'ai fait. Ce n'est pas quelqu'un d'autre qui l'a fait, non c'est moi. Je suis responsable de mes actes et bien que je n'ai que 22 ans, je sais tout ce que cela signifie. On s'assied et très vite, je suis appelée à la barre par l'avocat de l'autre bord.
« Racontez-nous ce qui s'est passé la nuit du 21 mars 2013 mademoiselle. » J'en ai marre de raconter cette histoire, encore et toujours. Les flics l'ont entendue. Les psychologues l'ont entendue. Mon avocate l'a entendue. Alors stop. C'est la dernière fois que je raconterais cette histoire, c'est clair et net.
« Je me suis levée de la nuit pour aller boire un verre d'eau et il est rentré bourré à l'appartement. On s'est encore une fois disputés et il m'a frappé comme d'habitude. » Je soupire. C'est toujours la même histoire, les même détails, ma version des faits n'a jamais changé. J'en ai marre de toujours tenir le même discours constamment.
« Je me suis retrouvée à terre et il a continué à me frapper. Alors qu'il est parti se doucher, je suis retournée dans la chambre. J'allais me rendormir quand il est revenu et qu'il m'a agrippée par les cheveux avant de me maltraiter de tous les noms possible. Je suis sortie de mon lit une nouvelle fois et il m'a frappée, encore. Et puis je me suis rappelée que je gardais dans la boite sous mon lit, une arme. Et il allait me frapper, encore et encore alors j'ai pointé mon arme en sa direction et j'ai tiré. » ça doit être la première fois que je ne pleure pas en terminant cette histoire. C'est la première fois que je suis effrayée à l'idée de la raconter. Effrayée de ne pas savoir ce qui va m'arriver, de ne pas savoir comment ça va se terminer. Je veux pas finir ma vie en prison. Je suis trop jeune, ce n'est pas à 22 ans qu'on va en prison. En ce qui me concerne je ne veux absolument pas y aller. Pas pour m'être défendue. C'est lui qui aurait finit par me tuer. Le juge me renvoie à ma place et fait appel au médecin qui m'a examinée.
« Mademoiselle Winthrop-Scott s'était déjà retrouvée à l'hôpital deux fois ce mois là, une fois elle a été admise pour un trauma et la seconde fois, elle avait les côtes cassées. Lorsque je l'ai revue, ce jour là, j'ai tout de suite compris ce qui c'était passé. » Alors ça se voyait tant que ça ? Vicky la pauvre petite fille battue ? C'est l'étiquette que je ne voulais absolument pas avoir sur le dos. Il aura fallu attendre une journée complète avant que le jury ne rende son merdique.
« Quel est votre verdict pour le chef d'accusation de meurtre ? » J'avais peur. Je n'avais jamais eu autant peur.
« Nous déclarons l'accusée non coupable. » Et là, j'ai été soulagée jusqu'à ce que la juge ne reprenne la parole une dernière fois.
« Mademoiselle Winthrop-Scott, vous avez eu de la chance. Espérons que cela ne se reproduise plus. » Je suis sortie de la salle d'audience avec un poids en moins sur les épaules. Si aujourd'hui on venait me demander « est-ce que tu regrettes ? » je répondrais probablement que non. Il a eu ce qu'il méritait et moi je m'en suis bien sortie parce que je n'avais rien planifié et que j'étais la pauvre petite victime. Alors oui, je recommencerais et non, je ne regretterais probablement rien même si cela restera sur ma conscience à vie.
Une journée calme signification de repos. J'ai envie d'aller m'aérer au parc depuis plusieurs jours, c'est un endroit que j'adore. Les gens se baladent, les enfants jouent. On a tout pour être bien là. J'attrape mon sac et un bouquin de ma bibliothèque et je sors de mon appartement pour aller en direction du parc. Sentir le vent dans mes cheveux est un véritable bonheur, l'impression de revivre est là, constante, comme si tout ce qui pouvait m'arriver de pire était déjà passé et que mon cauchemar était enfin terminé. Arrivée au parc, je m'installe sur un banc et je commence à lire mon bouquin tranquillement, posée, au calme. J'ai parfois ce besoin de me retrouver seule, avec moi-même. Loin de ma famille, loin de ces gens qui parlent constamment d'argent ou d'affaires. Bien que ce soit mon monde, tout ce qui se rapproche de l'argent, de la richesse et j'en passe, ce n'est pas ce qui m'attire. L'argent rend l'homme mauvais. Avide de pouvoir. Il m'arrive parfois de me demander ce qui arriverait si mes parents venaient à perdre leur fortune. Je reconnais qu'avoir de l'argent me permet de bien vivre, de ne manquer de rien mais parfois, avoir trop d'argent te pousse à te demander « est-ce que les autres m'aiment pour ce que je suis ? ou m'aiment-ils pour mon argent ? » J'avoue que c'est la pire des questions du monde. Alors que je suis aspirée par ma lecture, le vent balaie par plusieurs fois mes cheveux. Malgré tout, je sens quelque chose de bizarre, je me sens comme observée. Je me lève alors, je ne sais pas si je suis énervée ou intriguée en réalité.
« Est-ce que je rêve ou vous étiez bien en train de me prendre en photo ? » ça sert à rien d'essayer de le cacher, je le sais. Et de toute manière, ce n'est pas vraiment difficile de le voir.
« Je pense que nous savons tous les deux la réponse. » C'est ça, sa réponse. Je tombe de haut. Il affiche un sourire et je me contente de lui lancer un regard noir. Ça ne me plaît absolument pas de me faire prendre en photo. Encore moins par un inconnu alors que je décide de passer une agréable matinée au parc.
« Vous vous prenez pour qui ? De quel droit me prenez-vous en photo ? Vous savez que je peux porter plainte pour cela ! » Et je sais parfaitement de quoi je parle, maintenant j'en connais un rayon. Je pense qu'à ce point, je ne suis plus agacée mais carrément hors de moi. J'avoue m'être emportée sur le coup et avoir carrément eu envie de détruire son appareil et son travail mais bon, après m'être énervée, j'ai fini par redescendre sur terre au bout de quelques instant et surtout après m'être énervée sur lui.
« Est-ce que je peux vous offrir un café ? Je sais que je ne le mérite pas, mais c'est une façon de me faire pardonner. Et ainsi vous montrer que non je ne suis pas un pervers, mais simplement un passionné de photographie. » Et là, j'avoue avoue de nouveau envie de m'énerver. Mais sérieusement, c'est une blague ? Un café ? Il est vraiment sérieux là ? Alors qu'il a pris des photos de moi à mon insu ? La question du café est restée en suspens un moment. Un très long moment d'ailleurs.