Il ouvre les yeux, allongé sur son lit. La lumière s'immisce dans sa chambre alors qu'il décuve lentement. Il doit être midi passé lorsqu'il se décidait enfin à sortir de son lit pour rejoindre la cuisine. « Alors ta pécho ? » Son regard se tourne aussitôt vers sa soeur et s'il avait une mitraillette à la place, elle serrait certainement à terre. « Je t'emmerde ! » Robbie n'avait pas vraiment de problème avec les filles, il était dragueur et particulièrement charmeur donc il arrivait toujours à ses fins. Bien sûr, bien qu'il ai pas mal de filles à ses pieds, il n'était pas non plus le tombeur d'Oak Creek, il savait ce qu'il voulait tout simplement. « Bah répond banane. » « Est-ce que je te demande ce que t'as fais hier soir ? Si ta baisé a l'arrière de ta caisse ? Non alors tu me lâches! » Robbie et Roxane c'est le jour et la nuit, malgré toutes leurs différences, ils s'aiment tout de même. Robbie est toujours en train de sur-protéger sa soeur. Il sait quand elle va bien et quand ce n'est pas le cas, étant sa jumelle, il le ressent. En bref, Robbie a eu une adolescence plutôt banale, il sortait beaucoup, était présent à toutes les fêtes organisées dans le coin, comme tout le monde, il a fait des erreurs de jeunesse, mais rien d'affreux non plus. Ses parents étaient présents pour lui, comme pour sa soeur. Il ne faisait pas partie des plus intelligents, ni des plus turbulents, mais il était toujours le premier à faire le pitre, amusant la galerie, certainement pour se faire remarquer.

  « Où est Jude ? » « A l'étage pourquoi ? » « Depuis combien de temps ? » « Je sais pas, une heure, peut-être plus. » Il ne fallu que quelques secondes pour que Robbie prenne la direction des escaliers. Jude et Robbie s'étaient rencontré au lycée, elle, elle était la fille douce évitant tous les autres sur son passage, lui c'était le pitre de la classe. Pourtant, il ne leur fallu que quelques mois pour se rendre à l'évidence, ils étaient amoureux l'un de l'autre. Depuis peu de temps, Robbie a appris que sa petite-amie était entre la vie et la mort, un choc pour lui qui se voyait déjà vivre éternellement dans ses bras. Regagnant la chambre de Jude, il se ruait vers elle pour s'assurer qu'elle allait bien. « Jude? » Il se mit à la secouer doucement pour la réveiller. « Jude ! » Aucune réaction de la part de la jeune femme, elle ne bougeait même pas le petit doigt. « Robbie.. » « T'étais censé veiller sur elle putain ! » Son poux était très faible et Robbie avait du mal à réaliser qu'il perdait la plus belle chose à ses yeux. Il se glissait donc derrière elle, afin de la prendre dans ses bras. Son souffle était particulièrement court et il redoutait ce moment depuis maintenant trop longtemps. Faiblement, celle-ci serrait alors sa main, balbutiant à voix basse : « Je t'aime. » « Je t'aime aussi Jude. » Une larme humidifiait son visage, puis plusieurs. C'était fini. Il venait de perdre la femme qu'il aimait tant, celle pour qui il aurait décroché la lune, la seule et l'unique.

« Vous pouvez verser des larmes parce qu'elle s'en est allée, ou vous pouvez sourire parce qu'elle a vécue (...) Vous pouvez pleurer et vous fermer, ignorer et tourner le dos, ou vous pouvez faire ce qu'elle aurait voulu : Sourire, ouvrir les yeux, aimer et continuer » Robbie tremblait, il serrait fermement la main de sa jumelle, qui pleurait déjà comme une enfant. Ce n'était pourtant pas son amie, ni la fille avec qui elle partageait beaucoup, mais elle avait pitié de son frère. Robbie savait très bien qu'il pouvait compter sur sa soeur dans cette épreuve difficile. Une larme perlait sur sa joue, une seule, parce qu'il préférait se rappeler d'elle comme la fille pleine de vie qu'il avait connu. Flashback. « J'veux faire le tour du monde avec toi, j'veux porter ton nom, je veux que tu sois dingue de moi autant que je le suis, avec des efforts j'y arriverais et nous serons ensemble pour l'éternité. » « J'en ai déjà le souffle coupé, à chaque fois que je te vois. » « Serais-ce de l'amour monsieur Winters ? » Lâchait-elle, se rapprochant davantage de lui pour le séduire. Le sourire de Robbie envahissait son visage, il n'avait d'yeux que pour elle, il l'aimait plus que tout. « L'amour c'est quoi ? » « C'est ce besoin que t'as d'être toujours avec moi, de penser à moi chaque fois que tu fermes les yeux. L'amour c'est toi et moi contre le reste du monde, c'est envisagé un nous dans notre relation. Tu vois l'amour.. c'est être unis. » Il ferme alors un instant les yeux, n'osant même pas poser les yeux sur la famille de Jude. Ses parents pleurent, sa soeur est blotti dans les bras de son mari, incapable de retenir ses larmes. Quant à lui, il repense à elle, à son corps, à ses mains douces, aux frissons qu'elle lui procurait, à tous ses souvenirs qu'il a avec elle.


La vitesse, Robbie en est dingue. Il roule à une vitesse pas possible, ne se souciant même d'être décoiffé par le vent. C'est après une heure de route qu'il s'arrête. Il sort lentement de sa voiture, se postant devant un immeuble qu'il ne connait que d'extérieur. Malgré tous les efforts qu'il ai bien pu faire, il en est incapable. C'est simplement au-dessus de ses forces d'entrer, d'être confronté à son père. Cinq longues années qu'il n'a pas vu son père, cinq ans que toutes les semaines il vient ici sans pouvoir réellement le voir. L'essentiel c'est qu'il va bien, se répète-il sans cesse, pensant pouvoir échapper à ça toute sa vie. Son père lui manque beaucoup, mais aller le voir dans un hôpital psychiatrique c'est bien trop pour lui. De ce fait, il remonte en voiture et reprend la route, direction Oak Creek. Oui, c'est stupide, oui c'est un lâche, mais il préfère garder l'image d'un père fort et fier d'être militaire, pas un homme négligé qui n'a plus toute sa tête. Arrivé devant la demeure familiale, il se permet d'entrer, à la recherche de sa mère. « Maman, c'est moi. » Il fait quelques pas dans la maison, il sait très bien qu'elle est là, sa voiture est garée devant. « Je voulais juste prendre des nouvelles, voir comment tu allais. » Robbie à l'impression de parler à un mur, mais pourtant, il sait très bien qu'elle entends tout ce qu'il dit. Rejoignant la terrasse, elle est là, la clope à la main, un maquillage de soirée, vulgaire et complètement différent. On dirait presque un panda avec tout ça, elle a dû pleurer, vu tout le noir étaler sous ses yeux. Il la regarde, s'asseyant à côté d'elle, les pieds dans la piscine. Il se sert dans son paquet de cigarette, sans la quitter des yeux. Baissant honteusement les yeux, il se sent responsable de son comportement, elle boit, du whisky, mélangé à de la manzana ou bien à de la tequila, elle n'a plus aucune limite. Elle n'est tout simplement plus elle-même, elle déconne complètement, elle touche le fond et s'il n'agit pas maintenant, c'est à la morgue qu'il ira la chercher. « J'ai essayé. » « Je sais... allez viens. » Malgré toutes les erreurs qu'elle ais pu faire, c'est sa mère, sa génitrice et il ne peut pas supporter de la voir se détruire à petit feu. Bien sûr, il est grand, il a vingt-six ans, pas forcément de grands projets d'avenirs, mais il sait ce qu'il fait, il gère, il est célibataire, bien déterminé à garder sa liberté encore quelques temps. Il sourit, tout va pour le mieux, les autres en sont persuadés.